image: http://s2.lemde.fr/image/2015/09/18/534x0/4761930_6_6487_des-eleves-de-cm2-ecrivent-une-dictee-le-08_c3e985e85b523394db7d0db07b88a98b.jpg
Dans une tribune au « Monde », la ministre de l’éducation explique que « la refonte des programmes est nécessaire pour assurer à chaque élève un socle commun de connaissances ».
Clé de la réussite scolaire et de l’émancipation individuelle, les savoirs fondamentaux sont le cœur de la refondation de l’école. Une refondation dont l’objet même est une école de l’exigence pour tous les élèves, à rebours du grand bond en arrière que constitueraient la sélection à l’entrée au collège, l’orientation précoce ou l’apprentissage à 14 ans.
Non, en dépit des caricatures et des outrances polémiques, l’avenir de notre école n’est ni le déclin ni la médiocrité promise par ceux-là mêmes qui, pendant dix années, l’ont condamnée à l’abandon, aux baisses de résultat, au nivellement par le bas de notre jeunesse. Le choix d’une école exigeante pour que tous les élèves maîtrisent le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, c’est la garantie d’une capacité d’insertion professionnelle dans la nouvelle économie de la connaissance. C’est aussi le ferment d’une citoyenneté éclairée, fondée sur l’appartenance commune à la République et à ses valeurs laïques.
Rétablir une école de l’exigence a d’abord nécessité des moyens – 60 000 postes, formation initiale et continue des enseignants –, mais aussi un engagement contre le déterminisme social illustré par le renforcement de l’éducation prioritaire et le retour aux cinq matinées de classe. Mais l’enjeu est par nature pédagogique. Dès lors, sans refonte des programmes, sans progressivité repensée des apprentissages, la refondation d’une école de l’exigence sonnerait comme un slogan creux. Le temps est venu de sortir enfin de l’exhortation permanente au « lire, écrire, compter » pour la traduire de façon opérationnelle dans les classes.
La lourdeur et l’incohérence des programmes actuels – dénoncés dès leur publication en 2008 par Luc Ferry et Jack Lang comme du « populisme scolaire » – sont largement reconnues. Les enseignants regrettent de devoir courir après le temps et de survoler les notions. Les études se succèdent pour démontrer les difficultés des élèves à fixer durablement leurs connaissances et à entretenir régulièrement leurs acquis.
Les scientifiques déplorent une approche privilégiant la description du système linguistique à la pratique et la maîtrise effective de la langue. Les parents d’élèves mesurent l’incongruité de prévoir l’apprentissage de la division en CE2 ou d’une longue liste d’homophones en CM2 avec pour unique conséquence d’ôter du temps aux activités de lecture, d’écriture et de calcul.
Lire nos informations : Programmes scolaires : ce qui change du CP à la 3e
Cohérence
Pouvions-nous, sciemment, laisser prospérer des programmes qui, trop souvent, construisent les apprentissages sur du sable ? Fallait-il se résigner aux faiblesses en lecture et en calcul mental de trop d’élèves à la fin du collège ? Les nouveaux programmes répondent à ces défis, à la nécessité absolue de donner à tous les élèves, dès les premières années de la scolarité obligatoire, les bases solides qui fonderont leurs connaissances ultérieures, grâce à une refonte globale et cohérente inédite depuis des décennies.
Cette cohérence, c’est d’abord celle du parcours de l’élève. Finie, la traditionnelle division par années, et place à une organisation par cycles de trois ans ! En unissant la fin de l’école élémentaire et l’entrée au collège, les nouveaux programmes mettent un terme aux ruptures qui jalonnaient la scolarité. Ils garantissent un parcours d’apprentissage progressif en répartissant les connaissances aux moments où les élèves peuvent les maîtriser solidement, sans allers-retours inutiles.
Cohérence, ensuite, de pratiques pédagogiques organisées autour d’une colonne vertébrale claire : maîtrise des fondamentaux, consolidation des apprentissages, pédagogie de l’entraînement quotidien et de la répétition. Nombreuses sont les recherches démontrant l’impact des exercices fréquents pour fixer les fondamentaux, qui consolident les savoirs les plus simples avant de développer les plus complexes. C’est le sens des nouveaux outils d’évaluation mis en place dès le CE2 en mathématiques et en français. C’est aussi la raison des entraînements quotidiens à l’écriture, à la lecture, au calcul mental, que les nouveaux programmes rendent obligatoires.
La cohérence, c’est enfin celle du contenu des programmes eux-mêmes, élaborés comme une déclinaison du socle commun.
Travail sur le langage oral
La maîtrise de la langue, condition de la réussite scolaire et de l’insertion sociale, doit mobiliser toutes les matières. J’ai ainsi souhaité qu’à l’école élémentaire, en plus des dix heures hebdomadaires de français, dix autres heures lui soient consacrées, réparties dans les autres matières. Car, oui, la pratique répétée de la lecture et de l’écriture, la discipline exigée par des dictées quotidiennes sont indispensables, comme dorénavant le travail sur le langage oral, essentiel pour la compréhension de la lecture et la capacité à présenter de façon claire et ordonnée une pensée.
Au collège, l’apport des langues de l’Antiquité à la compréhension du français est valorisé, ainsi que l’appropriation de notre patrimoine littéraire. Alors, laissons derrière nous les querelles de méthodes datées, qui ont montré leur vacuité ! Dorénavant, la maîtrise du langage oral, de la lecture et de l’écriture repose sur des pratiques éprouvées.
C’est cette même lucidité, loin des nostalgies et des idéologies, qui nous a conduit à mettre les nouveaux programmes en phase avec la société et les apprentissages d’aujourd’hui. L’accent mis sur les croisements entre enseignements dès les premières années de la scolarité est une chance ! Ces liens explicites entre les disciplines participeront de la consolidation des apprentissages par leur mise en résonance. Ils répondent à la nécessité d’appréhender et de comprendre la complexité de notre monde, comme la nouvelle dimension numérique des programmes.
Présent en français, en mathématiques et en technologie, l’enseignement par et au numérique constituera en outre un appui important pour l’acquisition, par l’ensemble des élèves, des langues vivantes. Cette maîtrise, aujourd’hui primordiale, est améliorée par un apprentissage plus précoce et plus soutenu. De la 5e à la 3e, c’est ainsi 25 % de temps supplémentaire que chaque élève consacrera à sa deuxième langue vivante.
Enfin, les programmes d’histoire ont été retravaillés pour n’éluder aucun sujet fondamental, en faisant de l’histoire de France le cœur des enseignements de l’école élémentaire, et en explicitant au collège ce que la France a apporté à l’Europe et au monde, ce qu’elle en a reçu, ses pages glorieuses comme ses pages plus sombres. Les nouveaux programmes chronologiques renforcent aussi l’enseignement laïque du fait religieux, ainsi que je m’y étais engagée.
Lire aussi : Les nouveaux programmes scolaires du CP à la 3e
Fruit de vingt mois de travail du conseil supérieur des programmes, dont je tiens à saluer l’implication des membres, ces nouveaux programmes ont suscité les passions, comme par le passé. Leur rédaction finale prend pleinement en considération les améliorations demandées, particulièrement par les enseignants, tout en concrétisant l’ambition fondamentale de la refondation de l’école : conduire tous les élèves, à la fin de la scolarité obligatoire, au socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
Nos enseignants sauront se montrer à la hauteur de cette ambition. Gageons que les républicains qui refusent le déclin de notre école et de nos valeurs sauront se rassembler autour d’eux pour que leur réussite soit celle des prochaines générations.
Répéter "acculturation" pour faire genre, de même qu'opposer "encodage" et "décodage" pose la personne... du mauvais côté : celui du verbiage.
" Le grand apport de l'étude c'est ce qui a trait à la compréhension de la langue écrite(fortement corrélé avec l'appartenance sociologique). Cela inquiète avec par exemple 30% d'échec à la compréhension des textes entendus. Cela veut dire que le "bain de langage" et la lecture d'albums par l'adulte, même régulière, ne suffisent pas." (sic)
J'adore ce type de remarque sans fond. Le bain de langage : il fonctionne et tout le monde ne cesse de l'affirmer en disant que le milieu socio culturel influe sur la qualité du langage ou de la compréhension. Dites plutôt : l'école ne sait pas faire fonctionner un véritable bain de langage aussi bien que dans les familles aisées !
Combien de temps consacrez-vous à parler à vos élèves? Seuls, en petits groupes, en classe entière, dans les couloirs, à l'accueil, aux toilettes, en sport, en activité, pendant la récréation???
Avant je faisais classe selon les normes insinuées à l'Ecole Normale. Et je parlais de temps à autres, laissant la place au discours des autres, cherchant le silence pour la concentration nécessaire au travail écrit... Mais ça, c'était avant.
Aujourd'hui, je parle toute la journée et je crois que je parle plus à mes élèves qu'à mes propres enfants qui n'ont pas appris autrement. C'est pas parce que je suis prof que je fais des cours à la maison!!!! Non mais ça va pas la tête!
Les lectures d'albums n'y suffisent pas... Mais au fait, combien d'album ( je l'ai mis au singulier à dessein) lisez-vous dans une journée? moins d'un, 1, 5, 10? C'est très différent tout cela. Sauf si l'on se réfère toujours à la pratique très scolaire, avec la jolie fiche de préparation dûment éditée puis presque recopiée sur le cahier journal pour faire baver de plaisir son lecteur trisannuel d'inspecteur, avec les jolis objectifs (inaccessibles à la moitié des élèves)... J'en connais des classes, où l'on n'étudie qu'un album par semaine en le triturant dans tous les sens, en le raccrochant de force à toutes les activités par souci de "cohérence", servi à toutes les sauces jusqu'à ce que les enfants le vomissent!!! C'est cela que vous appelez lire des albums?
Personnellement, j'en lis au moins deux ou trois par jour. Je les interconnecte plus loin dans le temps. Je laisse mes élèves jouer avec les livres parce que j'en ai plusieurs centaines dans ma classe (je préfère acheter des albums que des manuels...). Je considère que c'est une relation très différente à la lecture et au langage.
En fait, ils sont tous à peu près aussi médiocres, ces manuels. Le rapport Goigoux, plutôt que de mettre un terme à la querelle entre les tenants des diverses approches, aurait du conclure que si rien de sort du lot c'est bien que tout est mauvais... Ou alors tout est bon, puisque tout est pareil!!!! Mais on s'en serait aperçu non???
La réponse est pourtant simple, aucune méthode ne prend soin d'expliquer ce qu'est la procédure de décodage. Toutes ne font que parcourir, selon des progressions séquentielles et empiriques, l'ensemble des données graphoponémiques selon un mode cumulatif, sans différenciation réelle et en étalant beaucoup d'activités chronophages à faible rendement (discrimination auditive, habiletés phonologiques douteuses parce que ne débouchant pas sur des règles mais seulement sur des habitudes ou une vague sensibilisation...). Ceux qui n'utilisent pas de manuels, font souvent à peu près la même chose mais en utilisant des supports autoproduits et en se laissant davantage de liberté dans l'étude des textes. Ils explorent des champs culturels différents, mais au fond consacrent autant de place à des activités improductives.
Continuons donc à débattre sur des pratiques inefficaces mais tellement bien ancrées dans les mentalités qu'on n'est plus capable aujourd'hui d'essayer de penser autrement. La grande majorité des pédagogues réels (actifs) ou proclamés (observateurs, autiorités), perpétue la belle tradition de la pédagogie déterministe par laquelle on croit qu'il suffit d'enchaîner de belles séquences avec des objectifs ponctuels clairement définis et calibrés dans la jolie progression affichée sur le mur du fond, pour assurer à chacun une acquisition pas à pas sans faille... Comme disent les jeuns, mdr et ptdr!!!! Continuez donc à utiliser ces méthodes qui vous entraînent inexorablement aux antipodes de la différenciation en excluant de fait toute possibilité de laisser le temps nécessaire à chacun pour enregistrer, interpréter et utiliser correctement les données que diffusent l'enseignant bien intentionné, mais fort peu lucide.
Pour illustrer ma défiance envers ces méthodes, essayons de transposer l'organisation des apprentissages
à un sport. Tiens, le football par exemple. Alors cela donnerait : on fait des touches la première semaine (c'est pas trop dur, c'est à la main! Et en plus on peut tout de suite définir les limites du terrain). La deuxième semaine, on fait des passes du pied droit. La troisième, du pied gauche (ouf c'est dur... on doublera cette séance). La cinquième, des têtes... Et ainsi de suite jusqu'à la fin de l'année, s'il reste encore des joueurs qui acceptent cette planification inepte. Et croyez-vous vraiment qu'un apprenti footballeur réussirait à maîtriser son sport ainsi... Imaginez-donc maintenant ce que peut endurer un enfant qui na pas embarqué dans le train de la méthode de lecture et à qui on demande vainement de sauter sur chaque wagon en marche passant chaque jour devant lui. Il perd l'essentiel de son temps et de son enthousiasme. (Je ne sais plus quel auteur avait écrit sur ce site qu'un enfant de CP ne passait véritablement que sept petites minutes par jour à faire de la lecture).
Mais à l'école, il semblerait que les pédagogues se soient mis d'accord pour que cette façon de penser l'apprentissage soit la norme.
Y a-t-il des pratiques efficaces? Oui heureusement. Au milieu de tout cela, il y a bien des activités qui aident les enfants à progresser sans être dispendieuses en argent comme en temps. Et je sais que beaucoup d'enseignants de CP les ont repérées et les emploient sans réellement s'occuper de savoir si leur manuel les préconise vraiment. Donc, il s'en sortent plus ou moins bien, peu importe le manuel - il l'outrepassent le plus souvent - , selon leur engagement, leur charisme, leur effectif et tant d'autres variables.
Oui, ils travaillent le code et cela finit par payer. Je peux bêcher mon jardin avec une fourchette. C'est possible aussi... mais ça prendra du temps. Le problème est alors qu'il ne reste que peu de temps et surtout d'énergie aux enfants pour se consacrer à la compréhension. Dommage. D'autant plus que paf, l'institution revient à la charge avec ses méthodes éculées d'organisation saucissonnée des notions : une progression de compréhension, des séquences dédiées à la compréhension, des objectifs ponctuels et communs à tous.
Mais avez-vous déjà eu besoin d'expliquer ce qu'était la compréhension de l'oral ou de l'écrit à un enfant " de milieu favorisé". Non, il comprend à peu près tout. Bon je ne dis pas qu'il ne faille l'éclairer sur certains sujets (la ponctuation, l'organisation des écrits...), mais globalement, pas de problèmes. Il faut alors se demander si ces enfants de "bonnes familles" ont eu la chance de recevoir, à domicile, un enseignement spécifique et personnalisé par l'intermédiaire de manuels scolaires bien pensés. Re mdr et ptdr.
La compréhension se construit avant tout par la culture, cela prend du temps (mais c'est gérable, puisque les "bonnes familles" y parviennent et ce, sans se poser de questions pédagogiques) et ne se quantifie pas en emploi du temps et en volumes horaires serrés, cela ne nécessite pas forcément d'objectif ponctuel, de cahiers, de fichiers, de notes et de commentaires ou d'affichages ostentatoires. Cela ne se décrète pas, cela se vit. Arrêtons donc de demander des justificatifs d'acquisition à chaque heure de cours. Holà, mais je m'écarte de la lecture. Non! Arrêtons aussi de construire des méthodes (pseudométhodes) basées sur ce type de déterminisme si éloigné de la réalité d'un groupe d'élève hétérogène qui font perdre beaucoup de temps à tout le monde juste pour remplir des cahiers que l'on jettera à la poubelle six mois plus tard.
L'essentiel est là, il faut commencer à apprendre le codage. Et la réussite se fait par l'utilisation équilibrée d'un ensemble d'approches. Les moyens pour permettre de compenser lors que l'enfant connait peu de mots sont insuffisants.