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Grosselin, Manuel de phonomimie pp. 15 à 30

La langue parlée se compose de deux sortes d’éléments. Le premier comprend les voyelles ou sons formés par la voix qui naît dans le larynx prolongé par la bouche, sorte de tuyau vocal analogue à ceux qui entrent dans divers instruments de musique, notamment dans l’orgue. Les voyelles se caractérisent par la possibilité non seulement de se prolonger tant que le souffle sorti des poumons s’échappe par la bouche, mais de se chanter, c’est-à-dire de s’émettre sur différentes notes de la gamme. En vertu de cette définition, on comptera donc au nombre des voyelles de la langue française, non seulement les sons représentés dans l’alphabet par les lettres a, o, u, e, i, mais ceux qui empruntent, pour se traduire par écrit, deux lettres ou plus, comme ou, oi et les quatre sons nasaux, qu’on les prenne, dans leur forme typique : an, on, in, un, dans leur forme variée : am, ym, ou dans leur forme plus compliquée comme : ain, ein, qu’on appelle sons équivalents1.

Mais ces voyelles ne conservent pas toujours la pureté des sons que rappellent les caractères alphabétiques qui les représentent quand on les considère pris isolément. Le tuyau vocal, simple dans la partie qui traverse la poitrine et le cou, devient plus compliqué quand il arrive dans la tête et prend le nom de bouche. Cette cavité formée par la langue à sa base, par la voûte du palais à sa partie supérieure, peut se fermer, en avant, à l’aide des lèvres et des dents, en arrière à l’aide du voile du palais, appelée aussi luette. En outre l’air peut trouver, pour s’échapper au dehors quand il est chassé des poumons, un autre orifice, ce sont les fosses nasales qui, partant de l’arrière-bouche, aboutissent aux narines.

Le jeu combiné de ces différentes parties de l’organe vocal permet à l’homme qui parle de modifier le son pur qu’il veut émettre et de le modifier de différentes façons, arrivant ainsi à faire ce qu’on appelle un son articulé. L’articulation détachée du son qu’elle modifie porte le nom de consonne, parce quelle n’a d’existence réelle qu’en se combinant avec le son.

Ces éléments articulatifs peuvent se ranger, en deux séries, suivant que l’une des parties de la bouche (lèvres, dents, langue) oppose un obstacle absolu, quoique momentané, au passage de l’air et empêche par conséquent tout effet sonore ou qu’au contraire il existe un intervalle suffisant pour que l’air, s’échappant d’une manière continue, produise un murmure plus ou moins distinct, mais permanent.

On peut se rendre compte de ces conditions opposées en prononçant les deux mots pipe et rire.

Dans le premier, le son se trouve enfermé entre deux articulations semblables : p. Si l’on veut essayer de commencer le mot sans émettre le son i, on s’aperçoit. que les lèvres se serrent et que, rien n’est saisissable pour l’oreille. Si on prononce tout le mot, on voit qu’au moment où le son i sort, il se trouve accompagné de l’articulation p, préparée jusque-là silencieusement par la bouche, de manière à former le son articulé qu’expriment les deux lettres pi, et qu’à la suite de ce son articulé il y a encore une fois l’articulation p, qui, grâce au souffle qui a été nécessaire pour prononcer le son précédent, acquiert la sonorité suffisante pour terminer et compléter le mot pipe.

Pour le mot rire, il est plus facile de se rendre compte des trois éléments qui le composent, car on peut soutenir quelques instants l’articulation r, puis arriver au son i et revenir à l’articulation r en la continuant encore pendant un certain temps, de manière à enfermer le son i au milieu des deux efforts de l’articulation cessée puis reprise.

Les consonnes de la première série sont dites explosives, parce qu’elles nécessitent la fermeture complète de l’organe vocal, puis sa brusque ouverture pour laisser passage à l’air, ce qui produit une sorte d’explosion.

Celles de la seconde série sont dites soutenues, parce qu’elles peuvent durer par elles-mêmes un certain temps.

Les voyelles et les consonnes constituent les éléments phonétiques qui entrent dans la composition des syllabes. Ces éléments sont toujours simples au point de vue de l’audition, lors même qu’ils demandent, pour être représentés par l’écriture, plusieurs lettres comme ou parmi les voyelles, gn parmi les consonnes. Quand l’élément phonétique est représenté par une seule lettre, il est dit monogramme ; quand il nécessite plusieurs lettres, il est dit polygramme.

La syllabe est ce qui, dans la parole, n’exige qu’une émission de voix. La voyelle est l’élément indispensable de la syllabe car seule elle forme un son net et distinct ; la consonne même soutenue n’est qu’un bruit qui doit s’allier au son d’une voyelle pour remplir son rôle et la transformer en son articulé.

Les élèves doivent savoir décomposer un mot en ses syllabes pour le lire correctement. Par suite de la définition même de la syllabe, on ne considère, pour sa détermination, que ce qui frappe l’oreille, et si des lettres nulles pour la prononciation figurent dans la syllabe écrite, il n’en sera pas tenu compte pour les indications ci-après relatives aux éléments entrant dans la composition des diverses espèces de syllabes.

On reconnaît différentes espèces de syllabes suivant qu’elles comprennent:

1° Une voyelle comme a dans le mot abri ;

2° Deux voyelles comme oui, oie; cette réunion de deux voyelles s’appelle diphtongue ;

3° Une consonne et une voyelle. Si la consonne est la première, la syllabe est dite directe, comme ta, roue; si c’est la voyelle qui précède la consonne, la syllabe est dite inverse, comme il, hors ;

4° Plusieurs consonnes et une ou plusieurs voyelles. Si les deux consonnes sont groupées et que la voyelle simple ou la diphtongue se trouve placée à la suite, ces consonnes forment ce qu’on appelle une articulation double, exemples : blé, crin, froid ; si la voyelle ou la diphtongue se trouve placée au milieu des deux consonnes, la syllabe est dite close ou mixte, exemples : bol, poil, lourd. 

Les mots se composent d’un nombre variable de syllabes. S’ils n’en contiennent qu’un, ils sont dits monosyllabes; suivant qu’ils en contiennent deux ou plus, ils sont appelés dissyllabes, trisyllabes ou d’une manière générale, polysyllabes.

On nomme épellation la dénomination isolée des lettres-voyelles et des lettres consonnes (en employant pour ces dernières l’ancienne appellation : , effe, ou la nouvelle : be, fe) qui entrent dans la traduction écrite d’une syllabe ou d’un mot avant la recomposition orale de celte syllabe ou de ce mot.

La dénomination des éléments phonétiques, consonnes ou voyelles, entrant dans la composition d’une syllabe, qu’ils soient exprimés par une ou plusieurs lettres, constitue un autre genre d’épellation moins détaillé que le premier.

La syllabation consiste dans la prononciation en une seule émission de voix de tous les éléments qui ne sont pas susceptibles d’être séparés par une respiration lors de la prononciation correcte d’un mot.

Savoir lire c’est arriver à reconnaître assez promptement les éléments qui composent une syllabe, les syllabes qui constituent un mot et les mots qui forment une phrase, pour comprendre celle-ci, en l’énonçant, aussi facilement que si on l’entendait prononcer par un autre.

Le mode d’enseignement de la lecture qui fait l’objet de ce livre conduit directement à la syllabation et n’admet ni l’un ni l’autre des deux genres d’épellation en tant qu’ils seraient antérieurs à la diction de la syllabe ou du mot et employés pour y amener ; il n’admet l'épellation que postérieurement et en tant que moyen d’indiquer l’orthographe des mots.

 

De l’étude de la lecture.

L’étude de la lecture se place au seuil de l'enseignement primaire. Elle emprunte son importance tout à la fois à ce caractère de première étude et au but qu’elle doit atteindre : la mise en la possession des enfants d’un instrument de travail destiné à servir durant tout le cours de l’existence, au développement ou au délassement de l’esprit.

Au premier point de vue, le moyen employé doit ménager les forces de l’enfant, encore très jeune et incapable d’un grand effort ; rester une transition entre les jeux qui faisaient son unique occupation et le travail auquel il doit commencer à se livrer ; tenir compte enfin de la nécessité de donner la plus grande activité à tout son être pour satisfaire aussi bien à la curiosité instinctive de son esprit qu’à son besoin de mouvement physique, et venir ainsi en aide à ses efforts spontanés.

Au second point de vue, il faut faire aimer à l’enfant l’instrument qui doit lui être si utile, c'est-à-dire lui donner le goût de la lecture, et pour cela ne pas lui faire considérer le tableau ou le livre, même au début, comme un objet d’ennui; il faut au contraire l'amener à désirer la leçon dans laquelle on lui apprendra à connaître les caractères qui s’appellent des lettres, à recomposer les mots que ces lettres servent à former, à comprendre les textes que contiennent les pages

Tous ces résultats, la Méthode phonomimique permet de les obtenir, des faits de plus en plus nombreux en font foi ; mais pour qu’ils soient complètement atteints, il faut que le maître qui applique la méthode en comprenne bien le principe, se rende compte de la pensée qui a présidé à sa création, puis que, ne les perdant pas de vue, il suive dans l’application la marche que ce principe même entraîne comme une conséquence naturelle. Le but du présent Manuel est de l’éclairer à ce double point de vue. Ce n’est pas qu’il veuille astreindre le maître à suivre minutieusement les détails de leçons successives ; car pour qu’un enseignement reste vivant, et, par cela même efficace, il faut que celui qui le donne ait sa part d’initiative ; mais, les grandes lignes tracées, il restera encore au maître une large place pour faire pénétrer beaucoup de lui-même dans un enseignement qui doit donner occasion de donner tant d’autres enseignements. Les indications données ne seront souvent que des exemples qu’il pourra varier à son gré, pourvu que, restant toujours imbu du principe de la méthode, il ne fasse rien qui soit contradictoire avec elle et puisse entraver les progrès des élèves par le défaut d’exercices suffisamment concordants et gradués.



Principe de la méthode phonomimique.

Pour lire, il faut d’abord connaître la valeur vocale des lettres employées à traduire au regard les sons qui forment les éléments de la langue parlée. Le lien entre ces deux choses : lettres et sons, est tout conventionnel et c’est là une première difficulté, car il y a une sorte d’abstraction dans ce rapprochement entre un signe écrit et un effet sonore. La Phonomimie intervient à ce premier point pour faciliter le travail des enfants. Au lieu de faire appel sèchement à leur mémoire elle substitue à la simple convention qui n’a rien de saisissant pour eux, une sorte de personnification des éléments vocaux qui met la vie dans l’enseignement et lui donne un véritable attrait. Voici comment elle parvient à ce résultat.

Les noms des voyelles sont en même temps des mots de la langue et il suffit d’ouvrir un dictionnaire pour y retrouver ces exclamations formées d’un son unique, qui expriment des sentiments, des volontés. On peut donc représenter aux jeunes élèves une lettre non plus comme correspondant simplement à un son, mais comme étant l'expression visible de l’exclamation ou du cri poussé par un personnage dans une circonstance donnée. C’est ainsi que ah ! expression de l'admiration ; oh ! cri de l'horreur ! ; hu ! cri du cocher ; hé ! cri de l’appel, seront respectivement employés pour arriver à l'étude des voyelles a, o, u, é.

Pour rendre cette personnification plus frappante encore pour les élèves et, mieux fixer leur attention, on leur montrera un carton portant une figurine à côté de laquelle se trouve la lettre à étudier; on leur présentera la figure comme étant le portrait d’un enfant dont on va leur raconter l’histoire et on leur fera un court récit, dans lequel figurera cet enfant, et dont la conclusion devra être l'exclamation, semblable au son, valeur vocale de la lettre. Le son et la lettre, qui n’est autre chose qu’un dessin dont on fera remarquer avec soin les contours pour les mieux fixer dans le souvenir des enfants, s'associeront intimement dans leur esprit par la présence intime de la lettre à côté de la figurine, par l’attention qu’ils auront apportée à regarder celle-ci et son accessoire, pendant le récit qui les aura amusés ; par le lien forcé qui s’établira entre la lettre vue et le dénouement de la petite scène dans laquelle le personnage aura joué un rôle important, en poussant une exclamation déterminée.

Ce ne sera pas là la seule manière de venir en aide aux enfants dans ce premier travail, un peu ingrat quand il est autrement compris, de l’étude des lettres. Après avoir donné satisfaction à l’imagination enfantine par les récits, on donnera satisfaction à la mobilité si impérieuse à cet âge en introduisant tout naturellement une gesticulation qui soutiendra l'effort.

Cette exclamation, qui doit terminer chacun des récits faits par le maître, ne s’échappe pas des lèvres dans la vie réelle sans que le corps obéisse à l’impulsion de l'esprit. Dans l’admiration, les mains s’élèvent, dans l'horreur elles s'avancent comme pour repousser l'objet qui l'inspire. Ces gestes, rappelés par le maître en imitation de ceux que représenteront les images, seront reproduits par tous les élèves et introduiront dans la classe un élément d'entrain analogue à celui qui existe dans les mouvements rythmés de la gymnastique. Le maître y trouvera en outre un moyen contrôle plus sûr que s'il était réduit à écouter les sons sortir un peu confusément parfois de toutes les bouches. Quand, par les soins apportés aux premières leçons, il aura établi une association assurée entre les sons exclamatifs, qui ne sont autre chose que les dénominations des lettres voyelles, et les gestes par lesquels le bras traduit la même impression que la bouche, il pourra savoir avec certitude si tous les élèves prennent part à la leçon ou si quelques-uns trahissent leur inattention en restant immobiles ; si tous disent correctement le nom d’une lettre montrée ou si quelques-uns tombent dans une erreur que révèle un geste inexact.

En donnant une action considérable au maître sur tous ses élèves, l’introduction des gestes dans l’enseignement amène une marche d’ensemble bien plus certaine et empêche presque complètement ces retardataires pour lesquels il faut revenir sur ses pas en consacrant à ces leçons répétées un temps qui serait mieux employé au profit de toute la classe. Le plus grand soin doit donc être apporté au début à établir une étroite association entre ces choses : le récit, le geste, le son, la lettre. La mémoire pouvant se rattacher ainsi à quatre choses au lieu d’une, l’esprit arrive plus facilement, après avoir retrouvé celle des quatre qui l'a le plus particulièrement frappé, à ressaisir les trois autres.

On parviendra à ce résultat, en multipliant les exercices qui devront, tout en conservant un but unique, mettre dans l'enseignement la variété de forme nécessaire pour faire accepter volontiers la prolongation d’une même étude. Les récits une fois faits donneront lieu à des questions de diverse nature qui, rendant les enfants partie active dans la leçon, leur feront mieux retenir ces récits. On demandera aux enfants quel est le personnage qui profère telle exclamation ; ou, au contraire, quelle exclamation profère le personnage dont on rappelle l’histoire. On émettra simplement les sons exclamatifs et les enfants devront les reproduire en y joignant le geste approprié. On fera silencieusement les gestes que les enfants devront traduire en sons. Les lettres, après avoir été montrées jointes à l'image, en seront montrées isolées, afin qu’après avoir été aidés par la présence de la figurine les élèves retrouvent, dans la forme seule de la lettre, le souvenir de sa valeur vocale. Enfin, la reproduction complète des récits pourra être demandée à quelques-uns des enfants, au moins comme exercice de revision. Il y aura là comme un rudiment, un premier essai de composition, c’est-à-dire de ce travail qui consistera plus tard à reproduire un récit entendu, un texte lu, puis à composer soi-même avec des éléments épars un nouvel ensemble, à développer un sujet donné.



Du lien à établir entre la lecture et l’écriture

Pour mieux fixer dans le souvenir des enfants la forme des lettres, on ne se contentera pas de les leur montrer sur une carte imprimée, on les leur tracera au tableau noir. On n’emploiera plus alors la forme typographique, mais la forme cursive. Sauf pour un très petit nombre de lettres, les deux formes se rapprochent beaucoup. La différence ne consiste guère qu’en ce que dans l’écriture cursive les traits sont inclinés, les pleins sont moins forts, et des boucles accessoires s’ajoutent pour donner plus de légèreté et moins de raideur aux caractères. Il sera donc aisé de faire ressortir la presque identité des deux séries de caractères, en opposant seulement la raideur de l'une avec la gracieuse légèreté de l'autre.

On pourra introduire, dans cette étude de la forme écrite, le mouvement par le procédé suivant. Le maître, en traçant au tableau noir la lettre dont il voudra enseigner la forme cursive, donnera l'explication de ce tracé à l’aide des termes qui ont dû être appris par les enfants au cours des leçons de dessin élémentaire (ligne droite, courbe, verticale, horizontale, oblique, etc). En même temps qu’il écrira et parlera, il fera décrire dans l’espace aux enfants, au moyen de leur index tendu, les mouvements que lui-même fait pour tracer la lettre sur le tableau. Cet exercice répété fixera dans la mémoire des élèves la forme des lettres et les aidera à les reproduire ensuite sur l’ardoise ou le cahier.

On arrivera ainsi à relier étroitement l’enseignement de la lecture et celui de l’écriture sans subordonner le premier, qui peut marcher rapidement, au second, qui est plus lent à atteindre un résultat complet, mais qui, laissé d’abord au second rang, prendra plus tard toute son importance lorsque, la lecture courante étant obtenue, on pourra concentrer ses efforts sur l’étude de la langue par des exercices écrits combinés avec les exercices oraux, et particulièrement sur l’étude de l’orthographe. Le maître pourra rendre plus intime cette union en ayant soin de choisir pour modèle d’écriture, d’abord, puis comme texte d’exercices faits sur la langue, des mots ayant pris place dans la leçon de lecture ou du moins des mots appartenant à la même catégorie, de manière à faire revoir sous une autre forme les notions enseignées sous une première. Quand les élèves seront suffisamment exercés à l’écriture une série de ces mots leur sera dictée et la correction donnera lieu à des observations utiles au point de vue de l’orthographe.



De l'ordre adopté pour l’enseignement de la lecture.

Une règle domine tout enseignement, notamment celui qui s’adresse à de jeunes enfants : c’est qu’il faut aborder les difficultés une à une et les graduer de façon qu’à chaque pas l’effort à faire ne soit pas trop considérable. L’ordre et l’enchaînement logique des exercices sont des conditions essentielles du succès.

Trois points sont à considérer dans l’étude de la lecture : la connaissance des caractères qui correspondent aux éléments phonétiques ; la formation de la syllabe ; la lecture et l’explication des mots composés d’un nombre plus ou moins grand de syllabes, soit pris isolément, soit entrant dans la composition de la phrase.

Quant au premier point, nous choisirons d’abord les éléments les plus faciles à apprendre, c’est-à-dire les voyelles que l’oreille saisit facilement et, parmi les voyelles, celles qui ne se traduisent que par une lettre, puis les consonnes soutenues qui ont un certain rapport avec les voyelles pour n’arriver qu’ensuite aux consonnes explosives. Nous ne tiendrons donc nullement compte de l’ordre alphabétique usuel qui n’a rien de commun avec celui qu’on doit adopter pour enseigner la lecture. Nous y reviendrons seulement plus tard et dans un autre but que celui d’apprendre à lire.

Avant même d’avoir vu tous ces éléments simples, nous arriverons à la syllabation, c'est-à-dire à la combinaison des consonnes et des voyelles, prenant d’abord la syllabe directe, la plus naturelle aux enfants ; commençant par la syllabe composée de deux éléments, consonne et voyelle, remettant à plus tard celle dans laquelle entre une articulation double.

Nous reviendrons ensuite à l'étude des éléments phonétiques qui, simples pour l'oreille, sont représentés par plusieurs lettres et, après les avoir vus sous leur forme la moins complexe, c'est-à-dire traduits par deux lettres, nous étudierons les équivalents, c'est-à-dire les diverses manières de représenter un même son. Puis à mesure que ces éléments seront étudiés nous les ferons entrés dans des mots. C'est à ce moment surtout qu'on aura à appeler l'attention des élèves sur l'opposition qu'il y a souvent, dans la langue française, entre la prononciation d'un mot et la manière de l'écrire, sur ce qui constitue l'orthographe d'usage. Les gestes phonomimiques offriront en ce point une aide considérable.

Concurremment à cette étude, nous amènerons les élèves à lire les mots de deux ou plusieurs syllabes directes, revoyant dans cette catégorie toutes les catégories qui ont été étudiées dans les monosyllabes.

Nous arriverons enfin aux mots formés d'une syllabe inverse et à ceux formés d'une syllabe mixte ou close, ou comprenant une de ces syllabes parmi celles qui les composent. Nous placerons à côté d'eux des mots où la présence d'un e muet final change l'orthographe sans changer la prononciation. L'analogie existant entre ces deux espèces de mots facilitera leur lecture correcte par les enfants, tout en attirant leur attention sur ce qui distingue leur orthographe.

Dans toute cette première partie nous n'aurons présenté les lettres que comme ayant la valeur normale qui leur a été affectée au début. Ce n’est que dans une seconde partie que nous aborderons les variations de valeur des lettres, séparant ainsi des difficultés d’ordre très différent et rendant plus aisée aux enfants, qui auront l'habitude de lire un grand nombre de mots, la compréhension des règles de lecture qu’il faudra leur indiquer à ce moment pour qu’ils puissent donner aux lettres qu’ils rencontreront dans les mots la prononciation exceptionnelle que pourra exiger leur position à côté d’autres.

Depuis que des éléments phonétiques réunis et, par suite, formant des mots, ont été montrés aux élèves, des explications auront dû leur être constamment données sur la signification de ces mots. À mesure qu’un nombre de plus en plus grand de mots pourront être lus, des phrases seront formées dans lesquelles n’entreront que des mots présentant les difficultés déjà étudiées. Le maître fera marcher ainsi l’étude de la langue concurremment avec celle de la lecture proprement dite.

Cette vue d’ensemble jetée sur le chemin à parcourir, nous allons reprendre dans les chapitres suivants les différents points un à un et donner des explications plus complètes sur la marche à suivre. Cette marche sera plus ou moins rapide selon l’âge et le nombre des enfants.

Les indications que nous allons donner laisseront toujours au maître, nous le répétons, sa large part d'initiative, soit dans le détail de chacune des leçons, soit dans leur enchaînement ; l'important est qu'il se pénètre bien de l'esprit de la méthode et s'en inspire dans tous les exercices auxquels il demandera à ses élèves de participer.

 

1. Il faut donc distinguer, d’une part, la voyelle ou effet sonore qui existe sans avoir besoin d’être représentée par un signe écrit, et, quand elle se représente ainsi, peut exiger plus d’un caractère, et, d’autre part, la lettre-voyelle, caractère écrit qui correspond parfois à lui seul à une voyelle, mais s’allie parfois a un autre pour représenter une voyelle différente.

 

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