• Méthodes de lecture : la réalité n'a rien à voir avec ce qu'on imagine au Collège de France (Une tribune de J Fijalkow)

    http://www.touteduc.fr/fr/archives/id-8669-methodes-de-lecture-la-realite-n-a-rien-a-voir-avec-ce-qu-on-imagine-au-college-de-france-une-tribune-de-j-fijalkow-

    Début : 

    Les idées reçues ont la vie dure ! L’éternelle question des "méthodes de lecture" en offre une remarquable illustration. Il y a quelques jours à peine, Marion Maréchal Le Pen réagissait aux résultats médiocres des élèves français dans PISA en mettant en cause l’increvable "méthode globale" et voici que maintenant, venu des cimes de l’establishment universitaire, le Collège de France, nous arrive un copier-coller de la même agaçante litanie. Roland Goigoux, plus mesuré dans son propos, apporte à Stanislas Dehaene une réponse qui, mettant en question la méthodologie d’une des deux recherches que cite ce dernier et rappelant le score nul de la seconde, renvoie dos à dos les deux types de "méthodes" en attendant les conclusions mieux fondées et à venir d’une recherche qu’il pilote. Disposant pour notre part de résultats intéressant ce débat, nous nous proposons ici d’en apporter quelques échos.

    QUELQUES RESULTATS

    Dans le souci de savoir ce que font réellement les maîtres dans leur classe, notre équipe de recherche a conduit en 1990 une enquête par questionnaire sur les pratiques de la lecture-écriture au CP, dans le cadre d’une convention avec le ministère de l’Education nationale. Ce questionnaire de 35 pages (79 questions, 399 variables) a fait l’objet d’une rédaction minutieuse effectuée avec des collègues belges, suisses et québécois. Les résultats obtenus en France ont été publiés de façon résumée (Fijalkow et Fijalkow, 1994) puis développée (Fijalkow, 2003).

    Environ vingt ans plus tard, en 2009, curieux de voir, de façon objective, éloignée de toute polémique, quels ont été les effets sur les pratiques des maîtres de la violente attaque contre "la méthode globale" conduite par le ministre de l’Education nationale, nous avons effectué une réplication de la recherche de 1990. Nous avons donc refait passer le même questionnaire à un nouvel échantillon d’enseignants de CP (N= 236) et après nous être assurés que nos échantillons sont comparables, nous avons question par question examiné les réponses obtenues à vingt ans de distance. Que ressort-il de cette comparaison ? Tout d’abord nombre de résultats qui sont de nature à rassurer notre collègue du Collège de France.

    Télécharger « Fijalkow méthodes 2014.rar »

     

     

    http://www.franceinfo.fr/education-jeunesse/le-vrai-du-faux/marion-marechal-le-pen-dit-elle-vrai-sur-l-apprentissage-de-la-lecture-1236231-2013-1

    Marion Maréchal-Le Pen dit-elle vrai sur l'apprentissage de la lecture ?

    LE MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2013 À 07:30
     

    La députée Front national affirme que la France est aujourd'hui "empêtrée dans des méthodes comme la méthode globale. Il faut revenir aux méthodes qui marchent comme la méthode syllabique". Vrai ou faux ? Réponse ici.

    Faux

    Renseignement pris auprès de plusieurs spécialistes de l'apprentissage de la lecture, non seulement la méthode globale au sens strict n'est pas enseignée actuellement, mais elle n'a jamais été enseignée en France, sauf de manière marginale.

    USA et Belgique

    La méthode globale a été utilisée massivement aux Etats-Unis des années 1920 aux années 1950. Anne-Marie Chartier, docteur en sciences de l'Education, spécialiste des méthodes de lecture, explique que la méthode "apparait au moment où l'on se met à coupler systématiquement des images avec des mots. Quant apparait +cat+ et +dog+ pour +chat+ et +chien+, lié à une petite image, l'enfant peut identifier immédiatement la signification du mot". 

    Une méthode globale francophone a été développée en Belgique au début du siècle dernier. Mais elle est restée confidentielle. Et en France, elle n'a pas été enseignée de manière généralisée, loin de là.

    Impressions

    En France, on garde l'impression que la méthode globale a été très présente. C'est un mythe. 
    L'explication se trouve peut-être dans le fait qu'on a assisté dans les années 60 et 70 à une offensive de quelques pédagogues en faveur d'un apprentissage qui pouvait s'apparenter à la méthode globale. 
    Il y a peut être une autre raison. Au début de l'apprentissage de la lecture, pendant plusieurs semaines, des petits mots très courants sont présentés aux enfants qui doivent les reconnaitre sans les décortiquer. Certains parents peuvent alors penser à une méthode globale.

    Syllabique encore et toujours  

    Aujourd'hui, chaque enseignant a sa recette pour apprendre la lecture aux enfants. Mais la base nous est rappelée par le psycholinguiste Jacques Fijalkow, professeur émérite à l'Université Toulouse II Le Mirail : "Aujourd'hui, les élèves apprennent comme ils ont toujours appris, de manière encore plus mécanique, sur des unités très petites. C'est au niveau de la lettre. On présente les lettres et on les associe ensemble. Ou on présente un peu plus tard deux lettres qui forment un son. En fait il n'y a jamais eu de révolution dans l'enseignement de la lecture. Il s'est toujours fait de manière plus ou moins syllabique".

    « Franck Ramus (psychologie expérimentale)Rémi Brissiaud, Lecture : Une autre façon d’aller vers une éducation basée sur la preuve »